En Afrique de l’ouest, une croissance démographique, particulièrement vigoureuse préside au maintien d’une fécondité élevée et d’une structure par âge jeune. Les statistiques démographiques disponibles indiquent que les pays ouest africains se caractérisent par des taux annuels d’accroissement naturel importants. Ces taux s’expliquent par le maintien d’une fécondité élevée et une forte baisse de la mortalité. Le maintien de la fécondité y serait une conséquence de la stabilité de la préférence pour la famille nombreuse et du faible usage de la contraception[1]. Le nombre d’enfants par femme, ou indice synthétique de fécondité avoisine ainsi ou dépasse cinq enfants par femme (Cf. Tableau 1). La baisse de la mortalité renvoie à l’amélioration des conditions sanitaires et de l’alimentation et à la mise en œuvre des politiques multilatérales, notamment la mise en œuvre intégrée des Objectifs du Millénaire pour le Développement et des stratégies régionales Sahel[2].

Figure 1: Le modèle de transition démographique
A horizon 2030, les données suggèrent une relative stabilité de ces tendances démographiques : sauf « accident », la mortalité poursuivra sa décroissance et la natalité diminuera, mais sans rupture avec les rythmes observés aujourd’hui : si les perspectives d’adoption de comportements contraceptifs modernes y existent, elles incitent plus à un espacement qu’à une limitation du nombre de naissances[3]. Bien que l’âge médian puisse reculer légèrement, le nombre de jeunes de moins de 20 ans devrait doubler d’ici 2050[5]. Ce changement aura naturellement des répercussions sur le marché du travail.
- Les embryonnaires politiques de régulation ne devraient pas parvenir à faire baisser l’indice de fécondité en-dessous d’un plateau de 5 enfants par femme dans les pays enclavés (Mali, Niger, Tchad) où la transition démographique de type 2 (Cf. Figure 1) qui voit la fécondité diminuer ne serait toujours pas engagée.
- Cette transition s’amorce au Burkina Faso, en Côte d’Ivoire, en Guinée, au Bénin, au Sénégal et au Nigéria. Ces pays pourraient passer sous le plateau de 5 enfants par femme à horizon 2030.
- La transition serait plus affirmée au Ghana, au Togo, au Libéria ou en Guinée-Bissau et en Mauritanie, bien que les données du recensement mauritanien doivent être relativisées[4].
- La transition est très affirmée au Cap-Vert où le taux de fécondité était encore de 6,38 en 1980.
Tableau 1 : Evolution des populations à horizon 2030
Pays Taux de fécondité Population 2015
(Mio)Population 2030
Variante haute (Mio)Population 2030
Variante Basse (Mio)Âge médian 2015 Âge médian 2030
Estimation médiane
Cap-Vert 2,50 533 664 606 23,8 29,7
Nigéria 5,74 181 182 272 599 255 536 17,9 19,2
Ghana 4,18 27 583 38 684 35 904 20,4 22,8
Niger 7,40 19 897 36 005 33 982 14,9 15,7
Côte d'Ivoire 5,14 23 108 34 525 32 150 18,3 19,6
Burkina Faso 5,65 18 111 28 318 26 447 17 19
Mali 6,35 17 468 27 934 26 180 16,0 17,8
Sénégal 5,00 14 977 22 906 21 340 18,3 20,2
Tchad 6,31 14 009 22 162 20 758 16,1 18,1
Guinée 5,13 12 092 18 257 17 006 18,4 20,4
Bénin 5,22 10 576 16 168 15 088 18,2 20,1
Togo 4,69 7 417 10 891 10 124 18,9 21,2
Sierra Leone 4,84 7 237 10 091 9 348 18,3 21,2
Libéria 4,83 4 500 6 733 6 258 18,6 20,9
Mauritanie 4,88 4 182 6 282 5 872 19,7 21,8
Gambie 5,62 1 978 3 102 2 899 17 19,1
Guinée-Bissau 4,90 1 771 2 582 2 403 18,9 21
Au regard des tendances démographiques actuelles, l’Afrique de l’ouest connaitra en 2030 une augmentation de sa population totale et de sa population en âge de travailler (PPAT) liée à l’arrivée de nombreux jeunes sur le marché du travail.
Dans ce contexte, les experts du développement suggèrent de mettre l’accent sur des choix de politiques publiques qui combinent des 1) politiques démographiques visant à limiter la fécondité pour ralentir progressivement cet afflux de jeunes sur le marché du travail et 2) des politiques économiques qui permettent de créer des activités génératrices de revenus. Mais les incertitudes qui demeurent, tant sur la mise en oeuvre des politiques démographiques que sur la capacité à créer des emplois, interrogent la rhétorique du dividende démographique (Cf. Encadré 1).
Encadré 1 : Le dividende démographique
On appelle dividende démographique les avantages que les économies seraient susceptibles de tirer d’une phase particulière de la transition démographique durant laquelle l’évolution numérique des différentes classes d’âge conduit à maximiser la proportion d’actifs, source de richesses, et à minimiser corrélativement celle des inactifs source de dépenses. Lorsqu’une société entre dans la première phase de la transition démographique (cf. figure 1) elle enregistre une forte baisse de la mortalité tandis que la fécondité – car les comportements présentent une certaine inertie – reste stable ou ne diminue que faiblement. Ce décalage entre mortalité désormais basse et fécondité toujours élevée conduit évidemment à une hausse rapide des effectifs. Puis, peu à peu (phase 2), la natalité tend à son tour à baisser et à redescendre au niveau de la mortalité, conduisant ainsi les pays vers certaine stabilité démographique ou au moins vers une expansion mesurée. C’est à l’entrée dans cette seconde période, quand la fécondité a commencé à baisser depuis quelques années, que se présente l’opportunité de ce fameux dividende démographique supposé bénéfique à l’économie.
A ce moment en effet, trois phénomènes se conjuguent pour réduire la part des inactifs et augmenter celle des actifs, favorisant ainsi la production de richesses tout en minimisant le poids des dépenses.
- les personnes âgées restent en nombre limité (1).
- le nombre de jeunes commence à diminuer (2).
- le nombre d’actifs est très important (3).
Les deux premiers éléments diminuent la proportion de personnes à charge, limitant les dépenses de retraites, de soins et de frais d’éducation, le troisième maximise la part des personnes susceptibles de produire les richesses pour l’économie, permettant ainsi de générer de la croissance et de financer les dépenses afférentes aux deux premières catégories.
Notes bibliographiques
[1] Cf. MAY John Francis. & GUENGANT Jean-Pierre (2014), « Les défis démographiques des pays sahéliens », Etudes, n°4206, juin, pp. 19-30.
[2] Sur les stratégies à l’œuvre dans l’espace sahélien, voir Helly Damien, Théroux-Bénoni Lori-Anne, Galeazzi Greta, Maïga Ibrahim et Ouédraogo Fatimata, « Stratégies Sahel : l’impératif de la coordination », ISS / Note d’analyse, n° 76, mars 2015.
[3] A moyen terme, l’espacement peut toutefois entrainer une baisse de la descendance finale des femmes.
[4] En Mauritanie, le recensement est sujet à controverse. Pour des motifs politiques, les populations des groupes ethniques ayant les taux de fécondité a priori les plus importants, les négro-mauritaniens (Peuls, Soninké, Wolofs) ainsi que les descendants d’esclaves (harratines) ne seraient pas correctement recensées. Au Cap Vert, pays catholique, une politique de population est engagée depuis deux décennies. Au Maghreb, les situations sont inversées : les taux seraient amenés à augmenter du fait d’une reprise de la natalité.
[5] En dépit d’un exode rural généralisé, il faut, du fait de taux d’accroissement encore élevés, compter avec plus d’urbains et plus de ruraux à horizon 2030.