Kumasi, Ghana, Photo Reuben Hayfron, Unsplash
Les besoins en emplois dans les états ouest africains sont très importants. L’afflux programmé de jeunes en quête de travail devrait encore accroître la pression sur le marché du travail. Or, les potentiels de création d’emplois sont variables selon les pays.
Les états côtiers comme le Ghana, le Sénégal, la Côte d’Ivoire ou le Nigéria et, dans une moindre mesure, le Togo et le Bénin cherchent aujourd’hui à développer des projets de transformation industrielle, à relancer l’agriculture irriguée, les industries extractives et les services et activités commerciales. Il s’agit de défis considérables pour des économies largement dominées par le secteur informel.
La transformation structurelle des économies des états ouest africains s’inscrit dans le cadre d’une programmation consignée dans des programmes de développement ou programmes d’émergence. Souvent rentiers[1], ces Etats sont dépendants d’un nombre limité de ressources et d’activités économiques formalisées (Pétrole au Nigéria et au Ghana, Plantations agricoles en Côte d’Ivoire, Diamants en Sierra Leone, etc.). Désormais, ils aspirent aujourd’hui à la diversification et à la transformation structurelle de leurs économies pour doper leurs taux de croissance. Sont attendus :
- une captation plus importante de la valeur ajoutée : dans les programmes de développement, l’intégration de chaînes de valeur ciblées (filière bois, filière agroalimentaire, filière textile, tourisme, etc.) accompagne la création d’activité de première ou de seconde transformation.
- un engouement de l’entreprenariat, une stimulation et une modernisation des activités informelles.

Port autonome de Dakar, Sénégal
Ces projets sont soutenus par le secteur privé, les partenaires au développement et les états ouest africains. Ces derniers s’appliquent à attirer les capitaux étrangers autour de projets d’investissement. Pour cela, les plans de développement prévoient la construction de Zones franches d’exportation et de parcs industriels, où la compétitivité des accès en énergie et plus largement des infrastructures, doit soutenir l’implantation d’activités économiques et accélérer le développement des services et de l’industrialisation.
Entendant tirer les leçons d’expériences passées, les plans s’attaquent aux problèmes structurels des facteurs de production, notamment énergétiques, qui y ont trop souvent annihilés les avantages comparatifs confédéraux investisseurs lors de leur installation[2]. Cela justifie l’attention particulière accordée à ces questions lors de l’élaboration de nouveaux projets, comme le Parc industriel de Diamniadio au Sénégal. Pour que ces projets fonctionnent, des réformes institutionnelles visant la modernisation de l’Etat doivent également accompagner la diversification des activités économiques.
Dans certains pays côtiers, la découverte de nouvelles réserves gazières et pétrolières (Mauritanie, Sénégal) ouvre de nouveaux débouchés. La prudence oblige à rappeler que ces ressources ont, jusqu’aujourd’hui, souvent été associées à une perte de compétitivité globale des économies des pays concernés et à une faible résistance aux chocs sur les prix de leurs ressources clefs. En effet, le renforcement des secteurs extractifs, spécialisés et peu intensifs en emplois s’est effectué au dépend de la compétitivité des autres secteurs. Pour éviter la « maladie hollandaise », leur exploitation devra se faire en soutien des projets d’industrialisation et de transformation.
Sur le plan de la création d’emplois, les bénéfices ne seront pas immédiats: ces activités spécialisées nécessiteront une main d’œuvre qualifiée encore trop peu disponible. Dans un premier temps, les Etats devront s’appuyer sur leur diaspora ou sur une main d’œuvre étrangère. A mesure, ces pays devront construire leur offre de formation pour adapter la main d’œuvre aux exigences futures du marché du travail (Cf. Encadré 1). Si ces activités extractives, peuvent, sous conditions, doper les revenus de l’état, elles ne pourront absorber l’ensemble de la population en âge de travailler (PPAT). Ces Etats côtiers devront élargir les possibilités offertes à la jeunesse en revitalisant les activités d’agriculture et d’élevage, en soutenant l’investissement dans un secteur des services innovant mais très informel.
Encadré 1 : Découverte du pétrole au Sénégal, des emplois pour les sénégalais?
L’or noir et le gaz repérés, reste maintenant à les extraire, les traiter et les commercialiser. … Le premier baril et la première bonbonne de gaz commercialisables devant apparaître en 2021 (au plus tard 2023), le Sénégal s’active déjà pour faire de cette activité l’une des pièces maîtresses de son économie… Les futurs emplois par rapport à ce secteur se chiffrent par milliers. Mais les compétences sont pénuriques. Le pays tente d’anticiper, par exemple en investissant au total 20 milliards FCFA pour mettre sur pied l’Institut National du Pétrole et du Gaz, opérationnel en octobre 2017. Les métiers du pétrole et du gaz seront aussi une nouvelle filière dans l’enseignement supérieur. De bonnes initiatives, mais sans garantie d’opérationnalité immédiate ou en temps voulu, des bénéficiaires de ces enseignements. Tout cela pour dire que le Sénégal aura besoin de compétences étrangères pour réussir ses « premiers pas de bébé » dans l’industrie pétrolière. Le pays compte aussi sur la diaspora africaine pour son expertise dans le domaine
Cela est encore plus vrai dans les pays enclavés du Sahel (Mali, Tchad, Niger, Burkina Faso). Pénalisés par la plus faible attractivité de leurs marchés, ils rencontrent encore plus de difficultés à créer des emplois industriels. L’étroitesse de leur marché intérieur, les performances des secteurs électriques et des transports y sont moins bonnes que dans les pays côtiers. Et le croît démographique y est plus important. Aujourd’hui, au Niger, la cohorte de nouveau jeunes sur le marché du travail représente 240.000 personnes. Dans 20 ans, elle dépassera certainement 570.000 personnes. Or, les capacités de création d’emplois sont aujourd’hui limitées et les perspectives de création dans le secteur moderne sont modestes. De façon générale, pour les Etats sahéliens, la faible productivité des facteurs (capital, travail), le coût élevé de l’énergie et la faiblesse des infrastructures limitent l’attractivité de sites miniers et la compétitivité des unités de transformation industrielle.
S’ils disposent de ressources naturelles (pétrole au Tchad, or au Burkina Faso et au Mali, uranium au Niger, etc.), leur exploitation n’y est pas intensive en emplois et les effectifs employés fluctuent en fonction du cours mondial de la ressource [3] : au Niger, les activités d’extraction d’uranium, la sous-traitance et l’ensemble des emplois indirects liés génèreraient environ 20.000 emplois sur la région d’Arlit et la conjoncture actuelle est défavorable. Seules des exploitations artisanales et la petite transformation industrielle, faiblement capitalistiques, peuvent s’épanouir. Au Niger, cela est estimé à environ 4.000 emplois formels dans le secteur industriel. Au Burkina Faso, le secteur manufacturier était estimée à 11% du PIB en 2005, le secteur industriel moderne étant beaucoup étroit avec une contribution à l’emploi de l’ordre de 8% de l’emploi salarié et 2,3% de l’emploi total. Dans ces pays sahéliens, les services et le secteur de l’agriculture et de l’élevage, souvent exercées dans l’informalité, semblent plus prometteurs que les grands projets de transformation industrielle. Il est donc essentiel que les états sahéliens libèrent les potentiels d’innovation et de croissance du secteur informel. Pour réussir, les états doivent encore accentuer leurs efforts et faciliter l’intégration économique (accès aux capitaux, formation, logistique) et sociale (accès aux services publique, couverture sociale) des populations rurales et urbaines qui occupent ces emplois.
Notes bibliographiques
[1]Le concept d’état rentier apparait dans l’article d’Hossein MAHDAVY (1970), « The Patterns and Problems of Economic Development in a Rentier Stare: The Case of Iran ». In M. A. Cook (Ed.), Studies in Economic History of the Middle East. London: Oxford University Press. Il désigne un état qui tire une très large proportion de ses ressources nationales de l’exploitation de ressources locales. Outre cette rente de situation, ces Etats ont des revenus issus essentiellement de l’exportation et un secteur productif peu développé; la génération de la rente créée peu d’emplois et l’état en accapare la plus large part.
[2] Cela a particulièrement pénalisé le développement de la zone Franche Industrielle du Bénin, créée depuis 1999. Cf. BABYLAS Serge (2012), “Triste destin pour la zone franche industrielle du Bénin”, 2 décembre.
[3] Plus les emplois sont « qualifiés », moins ils sont intensifs en main d’œuvre : ils sont destinés à une main d’oeuvre spécialisée, formée et qualifiée et s’inscrivent dans un schéma industriel nécessitant capitaux et infrastructure. Or, les plans d’émergence du Sénégal, de la Côte d’Ivoire et des autres pays parient beaucoup sur le développement de ces activités pour développer le secteur moderne.