Interventions militaires extérieures dans le Sahel : situation et enjeux d’évolution

Mars 2012. A Montauban et Toulouse, Mohamed Mera assassine au nom d’Al-Qaïda. Il fait 7 victimes : 4 adultes (un civil et trois militaires) et trois enfants assassinés devant une école juive. A Londres, le 22 mai 2013, un soldat britannique est tué à la machette en pleine rue. Cette vague d’attentats qui s’amorce va progressivement monopoliser l’espace public. Nouveaux, ces actes barbares sont commis par de jeunes individus, très souvent nés en Europe et radicalisés ; ils se revendiquent d’organisations islamistes nées loin du Continent. Dans la droite ligne des attaques, l’opinion publique européenne débat de la responsabilité de l’Islam dans l’accomplissement de ces violences. A l’image d’Olivier Roy[i], certains intellectuels évoquent une instrumentalisation de l’Islam par de jeunes délinquants travestis en religieux ; d’autres rétorquent que c’est au nom d’une religion intrinsèquement violente et peu compatible avec les valeurs « judéo-chrétiennes »[ii] que les terroristes exterminent leurs concitoyens. Dans l’espace du politique français, la médiatisation des insurrections islamistes provoque de vifs débats sur la place de l’Islam dans la République, l’intégration, l’immigration et la posture à adopter face aux mouvements islamistes radicaux.

 

Apparue dans la foulée de la déstabilisation du régime baasiste en Irak et de la guerre civile syrienne, l’organisation de l’Etat islamique (EI), incarne, en 2012, avec Al-Qaïda et ses « cellules » de la péninsule arabique (AQPA) et du Maghreb islamique (AQMI), l’une des deux têtes de « l’hydre islamiste »[iii]. Pour  Al-Qaïda, les gouvernements occidentaux s’immiscent dans les affaires intérieures des nations islamiques; l’organisation recourt partout aux actes terroristes pour les en dissuader. L’EI, quant à lui, prend le califat des Abbassides pour modèle de gouvernance et entend le restaurer[iv]! L’EI s’arroge ainsi le droit de cibler tout contrevenant à l’imposition d’un Etat théocratique inspiré par une interprétation mythifiée, dévoyée et rigoriste des sources de la foi musulmane.

 

Visé, l’occident n’est qu’une cible parmi d’autres pour les djihadistes. Les sociétés islamiques aux principes de gouvernance éloignés de leurs idéaux théocratiques en sont aussi les victimes. Les salafistes jihadistes jettent l’anathème sur tout système de gouvernement où la souveraineté populaire s’arroge le droit à produire la loi, divine par essence. Symétriquement, ils frappent les sociétés islamiques régies par les « courants hérétiques de l’Islam ». Les Etats du Maghreb (Maroc, Tunisie, Algérie) sont pris pour cible par l’AQMI[v]. L’Irak, la Syrie et la Libye, fragiles et en crise, sont en première ligne dans l’escalade des violences commises par l’EI ; le Golfe Persique connaît une résurgence des attaques terroristes. L’espace saharo-sahélien, incluant la Mauritanie, le Mali, le Niger et le Tchad n’est pas épargné.

 

En 2012, tout semble donc attester l’existence de filières de recrutement et de passerelles[vi] entre les espaces d’un djihad dont le théâtre des opérations serait devenu mondial. Les occupations de territoires en 2012 – en Irak et Syrie par l’EI, à Tombouctou (Mali) par AQMI, dans la région du lac Tchad (Nigéria, Cameroun, Niger et Tchad) par Boko Haram[vii] achèvent de façonner l’image d’un djihad « viral ». Le virus va précipiter une multiplication des interventions militaires extérieures françaises au Sahel et au Moyen-Orient.

 

 

Multiplication de la présence militaire extérieure dans l’espace sahélien

Susceptible de proliférer partout, en particulier dans les Etats fragiles ou faillis, la menace islamiste justifierait une réponse globale. Le mal doit notamment être combattu à sa racine, dans les territoires qu’il contrôle ou menace. Selon le Livre blanc de la Défense 2013 de la République française, « il n’y a pas de signes que la menace terroriste pourrait décroître à court ou moyen terme et on observe que celle-ci évolue et se diffuse sur le plan géographique. Sur fond d’États fragiles ou faillis, des groupes terroristes sévissent dans des régions jusqu’alors préservées où ils parasitent des conflits locaux qu’ils tentent de radicaliser : zone sahélo-saharienne mais aussi nord du Nigeria, Somalie, Syrie, Irak, péninsule arabique et zone afghano-pakistanaise. Se réclamant d’Al-Qaïda, ils disposent d’une capacité opérationnelle indépendante et cherchent à avoir un impact global en visant directement les intérêts occidentaux. Ils peuvent inciter des individus radicalisés présents sur notre territoire à passer à l’acte et conjuguer leur action avec eux… Sur notre territoire même persiste la menace d’un terrorisme domestique susceptible de porter atteinte à la sécurité nationale ».

 

A l’instar du Livre blanc, de nombreuses officines occidentales de sécurité et des experts évoquent un «  arc d’instabilité », ou « arc de crise » parcouru par des « franchises » affiliées aux deux grands mouvements djihadistes. Il se caractérise par la présence d’États faibles, aux frontières poreuses où, selon Samir Amghah, les cellules terroristes « s’enkystent à la manière d’un parasite sur des États qui n’ont pas d’autorité et qui ont du mal à contrôler leurs frontières »[viii]. Cette approche de la menace djihadiste précipite une réponse globale, engagée au nom de la sécurité intérieure et de la lutte contre la barbarie islamiste.

 

Alors que la lutte anti-terroriste s’affiche comme priorité des chancelleries occidentales, les autorités françaises multiplient leurs opérations extérieures contre les mouvements islamistes à partir de 2013. La zone saharo-sahélienne est la première concernée. L’opération militaire Serval est initiée en janvier. A la demande du président par intérim du Mali, Dioncounda Traoré, elle vient au soutien des forces armées maliennes : 1200 djihadistes menacent, non loin de Sévaré, la dernière ligne de défense de l’armée malienne tenue par le sud du pays. En effet, depuis le coup d’État militaire du 22 mars 2012, les exactions se multiplient dans la partie septentrionale du Mali, l’Azawad, peuplée de Touaregs, dont certains sont animés de sentiments autonomistes et indépendantistes.

Cette région est aussi devenue le sanctuaire d’AQMI et ses alliés d’Ansar Dine et du Mouvement pour l’unicité et le djihad en Afrique de l’Ouest (Mujao) qui ont eu raison des Indépendantistes du Mouvement national de libération de l’Azawag (MNLA) avec lesquels ils se sont initialement alliés pour prendre le nord du pays. L’objectif affiché par le président français François Hollande est de stopper l’avancée de ces groupes en direction de Bamako pour sécuriser la capitale malienne et permettre à l’Etat de recouvrer son intégrité territoriale. Prolongement de l’opération Servall’opération Barkhane (2014) a pour mandat de traquer les terroristes. Pour mener ses missions à bien, la France dispose de deux bases militaires au Niger. Celle de Niamey abrite les drones; celle de Madama est un poste de surveillance avancée des mouvements djihadistes entre le sud de la Libye et le nord du Mali. Rappelons que parallèlement, les forces françaises interviennent en Irak et en Syrie dans le cadre de l’opération Chamal (2014) et d’une coalition internationale. En riposte, l’EI frappera le territoire français à maintes reprises.

 

La France n’est pas seule dans la lutte. Au Mali, les opérations françaises s’inscrivent dans le cadre d’une action internationale. Alors que l’opération Barkhane traque les terroristes, la Mission multidimensionnelle Intégrée des Nations-Unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA) est en charge de la sécurité des populations et veille à la mise en œuvre des accords de paix entre belligérants maliens intervenue en 2015[ix]. Moins visibles, les USA forment notamment les forces nigériennes et conduisent des opérations anti-djihadistes ponctuelles. Ils disposent d’une base de drones armés près de la localité d’Agadez, dans le Nord du Niger. Ces interventions occidentales se doublent d’initiatives régionales. La plus symbolique est la création du G5 Sahel. Organisation régionale de coopération en matière de développement et sécurité créée en février 2014 par la Mauritanie, le Mali, le Niger, le Burkina Faso et le Tchad, le G5 Sahel se veut une réponse aux attaques transfrontalières exercées par les groupes terroristes implantés dans la région (Ansar Dine, AQMI, Boko Haram, etc.).

 

Comme en Afghanistan ou en Somalie, ces différentes opérations ont des résultats mitigés. En dépit de succès ponctuels[x], la région reste instable. Après 5 années d’intervention, la multiplication des initiatives n’a pas permis de démanteler les groupes armés. Depuis trois ans, leur capacité à contrôler des territoires vacille, mais ils sont toujours  en mesure de perpétrer des attaques[xi]. Une grande part d’entre elles cible d’ailleurs ces forces militaires. Cet été, le quartier général de la force conjointe du G5 Sahel, situé à Sévaré au Mali, a été la cible d’une attaque aussi violente que symbolique, revendiqué par le groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM), principale alliance djihadiste du Sahel liée à AQMI. Selon les données non vérifiées, mais compilées par le Long War Journal en 2017, Al-Qaïda et ses alliés auraient lancé au moins 276 attaques au Mali et dans toute la région ouest-africaine. Selon cette même source, les différents groupes terroristes actifs en Afrique de l’Ouest, plus particulièrement dans une zone allant du Mali au Niger en passant par le Burkina Faso, ont été à l’origine de 257 attaques en 2016, contre 106 l’année précédente, soit une hausse de près de 150% par rapport à 2015.

 

Parallèlement, l’enlisement du conflit n’est pas favorable à la réputation de la coalition internationale:

  1. elle renforce les menaces d’attaqué terroriste sur le sol européens et pour les ressortissants occidentaux dans l’espace saharo-sahélien. Depuis septembre 2014, l’EI a donné l’ordre à ses membres de tuer, par tous les moyens possibles, les ressortissants de pays investis dans la lutte contre l’EI et cible particulièrement les français.
  2. Sur le théâtre des opérations, l’accueil initialement favorable des populations civiles s’estompe. Concernant la France, ancienne puissance coloniale régionale, des accusations d’instrumentalisation de la présence djihadiste au soutien d’un interventionnisme politique et économique intéressé s’installent dans les esprits. Ces accusations servent le dessein des djihadistes. Au Mali, la francophilie post-Serval[xii] s’est estompée au profit d’un ressentiment anti-français croissant. Les Français « n’auraient pas laissé l’armée malienne se redéployer au Nord », ils « soutiendraient l’Azawad »[xiii].

 

Alors que les rumeurs les plus folles courent, l’enlisement des luttes contre-insurectionelles au Mali et dans la région du lac Tchad met en évidence la résilience des groupes djihadistes et leur capacité d’enracinement local.

 

Intégrer les ressorts locaux des insurrections

 

D’une certaine façon, l’insistance sur les ressorts islamistes de ces différents mouvements djihadistes conduit à sous-estimer l’existence de motivations sociales, économiques ou culturelles susceptibles d’intervenir dans la montée en puissance de ces groupes djihadistes. S’ils partagent en effet un discours religieux radical, la progression des mouvements djihadistes reste énigmatique lorsque ses ressorts locaux sont occultés[xiv]. Les travaux de terrain les soulignent pourtant: dans l’espace saharo-sahélien, la corruption des élites locales et des gouvernants, la complicité des autorités religieuses, une forte pauvreté et l’absence d’opportunités pour la jeunesse ainsi que les violences perpétrées par les forces policières nourrissent des ressentiments habilement exploités par les mouvements djihadistes.

 

Les interventions militaires sont-elles alors l’un des éléments du problème? Comme l’écrit Marc-Antoine Pérouse de Montclos[xv], l’intervention militaire extérieure, nécessaire lorsqu’elle est maitrisée et ponctuelle, peut contribuer à enraciner les conflits si elle nourrie le discours djihadiste par opposition aux troupes d’occupation et à leurs alliés…comme cela se produit dans l’espace sahélien où les problèmes observés ont pour corolaire la nature des régimes politiques et des gouvernants en place.

 

Historiquement, les armées régulières sahéliennes, leurs homologues de la police et des services de renseignements ont été des sources d’insécurité pour les populations. Mal rémunérés, leurs membres se livrent facilement au vol et aux extorsions. Trop souvent, ces forces armées bénéficient d’un totem d’immunité accordé par les gouvernants qu’elles contribuent à maintenir au pouvoir. Mobilisées aux côtés de la coalition dans la lutte antiterroriste, ces forces de sécurité n’hésitent pas à « tirer aveuglément dans le tas »[xvi]. Au Nigéria, les répressions policières et les actions militaires contre-insurrectionnelles auraient fait plus de victimes que les actions engagées par la secte Boko Haram[xvii] : en 10 ans de conflit, elles auraient tuées au moins la moitié des 33 000 victimes civiles et militaires recensées dans la base de donnée NigeriaWatch. Pas étonnant que ces victimes civiles puissent précipiter certains jeunes dans les bras des insurgés. Intervenir au soutien de ces armées régulières violentes ne contribue pas à légitimer les activités de la coalition. A contrario, il s’agirait d’un facteur d’enracinement, voire d’extension des conflits dans l’espace sahélien.

 

Pour Alexander Thurston ou Marc-Antoine Pérouse de Montclos, ce risque a pour corolaire l’adhésion à une approche globalisante de la menace terroriste plutôt qu’à une approche « glocale », pour globale et locale, qui doit permettre d’en discerner les nuances et d’ajuster les réponses.

La vision globale invite à présenter ces différents mouvements comme un ensemble de franchises affiliées à Al-Qaïda ou ayant prêté allégeance à l’EI : la nébuleuse djihadiste est constituée de mouvements interconnectés sur le plan doctrinal, financier et logistique. Données à l’appui, les auteurs susmentionnés rejettent cette hypothèse. Dans l’espace sahélien, l’internationale djihadiste relèverait plus du fantasme que de la réalité observée. De fait, les djihadistes africains regroupent des combattants, qui, en dépit de leur prétention à l’oumma, sont essentiellement motivés par des appartenances communautaires et ethniques (qui ont opposés, au Mali, les Touaregs du nord aux Bambara du Sud, au Nigéria, les Kanouri du Borno au Nord du Nigéria aux Ibo présents au Sud, etc.). Ces barrières ethniques entraveraient les collaborations durables entre groupes terroristes. Ainsi, dans l’espace sahélien:

  1. les financements de ces groupes seraient issus de prébendes locales et d’activités criminelles. Les vols commis dans les entrepôts des armées sahéliennes permettent d’expliquer leurs capacités  opérationnelles.
  2. Les djihadistes sont locaux. Ils ne bénéficient pas, comme c’est le cas au Moyen-Orient, du soutien de jeunes européens radicalisés[xviii].
  3. la seule revendication ou déclaration d’adhésion[xix] à des mouvements comme l’EI ou Al-Qaïda, prompts à revendiquer toute attaque commise contre des intérêts occidentaux, est très insuffisante pour étayer la thèse de la représentation franchisée des mouvements salafistes djihadistes.

 

A suivre cette représentation, et en dépit d’éléments rhétoriques communs, ces mouvements sectaires ne constituent pas une menace globale mais un ensemble de menaces spécifiques à fort contenu local qu’il est essentiel de bien intégrer lors de la formulation des stratégies d’intervention extérieures.

 

Enrichir la sociologie des acteurs pour mieux penser les stratégies d’intervention

Dans un contexte d’évolution de la stratégie des acteurs occidentaux, les opérations extérieures devraient mieux tenir compte des données relatives à l’environnement socio-économique des populations (modalités de déplacement et d’échange, activités) comme de leurs traditions et cultures. Le rôle déclencheur des autorités locales dans les violences et leur contribution au détournement de l’Aide invite à garder à l’esprit que soutenir ces autorités peut ternir l’image des puissances occidentales déjà concurrencées sur le plan économique. Afin d’éviter l’anathème des populations, les intervenants extérieurs devraient en priorité mobiliser des modalités d’intervention qui préservent les populations civiles et les témoins. Les forces armées occidentales doivent éviter d’être confondues avec les armées locales qui parfois, comme au Nigéria, utilisent, tout comme les groupes djihadistes, les populations comme force de renseignements. Enfin, ces interventions militaires doivent être associés à des projets de développement qui assurent une présence administrative sur le territoire et qui facilitent la création d’opportunités économiques négociées avec les populations.

 

Sur la papier, la direction à suivre semble tracée. Mais est-elle réaliste? Sensible à ce discours « interventionniste intégré », l’Alliance Sahel, coalition internationale créée en 2017 et soutenue par la France, l’Allemagne, le Royaume-Uni, l’Espagne, la Banque mondiale, la Banque Africaine de développement et le Programme des Nations-Unies pour le développement devrait piloter, avec une dotation de l’ordre de 6 milliard d’euros plus de 500 projets de développement dans les zones les plus vulnérables de l’espace saharo-sahélien. Ces projets sont liés à six enjeux régionaux : l’emploi des jeunes, le développement rural et la sécurité alimentaire, l’énergie et le climat, la gouvernance, la décentralisation, l’accès aux services de base.

Ces mesures pourront-elles pour autant aboutir à une transformation réelle des conditions de vie sur place? Inquiète des détournements, l’Alliance recherche des garde-fous pour s’assurer de la mise en oeuvre des projets. Néanmoins, ses capacités de contrôle sur l’acheminement de l’aide sur le terrain restent limitées. La seule présence d’observateurs permettra-t-elle de s’assurer que ces fonds sont bien injectés sur le terrain et non détournés? Il en va de la crédibilité de l’intervention des alliés occidentaux.

 

Notes bibliographiques

 


[i]. Pour Olivier Roy, l’Islam n’est que le prétexte d’une révolte armée de la jeunesse, qui s’est exprimée par le passé au nom d’autres idéologies. Inversement, pour Gilles Kepel, le djihadisme trouve ses racines dans les dynamiques propres à l’islam, et en particulier dans la montée du salafisme quiétiste et du salafisme politique qui sert parfois de sas de passage vers une action violente. Cette ligne d’analyse est souvent instrumentée par les mouvements nationalistes européens pour justifier leurs positions hostiles à l’Islam et souligner les dangers de l’immigration. La réalité diffère parfois de ces « vérités académiques». Certains djihadistes viennent effectivement du salafisme quiétiste, d’autres ont un passé de délinquant classique : petite criminalité, trafics variés, loin de toute revendication religieuse. D’autres n’ont pas plus de passé religieux que de passé délinquant. Les ressorts de l’engagement semblent réellement multifactoriels et les profils des protagonistes variés.

[ii]Le terme judéo-chrétien est assez récent. Au Moyen-Âge, les historiens font état d’une cohabitation plus aisée des populations juives dans le monde musulman qu’en occident chrétien. C’est essentiellement après l’holocauste et dans le contexte de culpabilité d’une Europe chrétienne que les filiations culturelles entre monde judaïque et monde chrétien sont recherchées. Le monde judéo-chrétien se distingue du Monde arabo-musulman. Cf. Com G. (2012), Le Proche-Orient éclaté, 1956-2012, Tome 1, Paris, Folio Histoire, Gallimard, 7èmeédition, pp. 530-535.

[iii]La réalité est rapidement différente. Très vite, la discorde entre les groupes djihadiste est importante. Le terme fitna décrit ce clivage dogmatique entre l’EI et Al-Qaïda. Il commence en Syrie au printemps 2013 et se traduit en 2014 par des combats entres groupes se revendiquant des deux organisations. Les désaccords portent sur l’application de la charia et sur des enjeux plus économiques comme le contrôle des ressources pétrolières. A travers ce conflit, le leader égyptien d’Al-Qaïda, Ayman al-Zawhari et l’irakien Abou Bakr Baghdadi, leader de l’EI, se disputent le leadership mondial.

[iv]En 750, les Abbassides battent les armées omeyyades à la bataille du Grand Zab. Leur chef, Abou al-Abbas al-Saffâh est proclamé calife et fait massacrer tous les membres de la dynastie omeyyade. C’est le début du califat abbasside, qui régna cinq siècles. La capitale est transférée à Bagdad. L’EI va instaurer un califat en Syrie et Irak le 29 juin 2014.

[v]Des attaques revendiquées par l’EI ont eu lieu au Maroc, en Algérie et en Tunisie. Marrakech (Maroc) est attaqué le 28 avril 2011 par AQMI. En août 2011, AQMI revendique également le double attentat suicide qui a fait 18 morts à l’Académie militaire de Cherchell, en Algérie. Son prédécesseur, le Groupe salafiste pour la prédication et le combat (GSPC) y est actif depuis 2007. En Tunisie, l’attaque du musée du Bardo et l’attentat de Sousse commis en 2015 montre que ces groupes armés y restent présents.La déstabilisation de la Libye post Kadhafi y favorise désormais les incursions djihadistes.

[vi]Sur les djihadistes français, voir par exemple les enquêtes de David Thomson.

[vii]Pour une approche globale du mouvement Boko Haram, cf. Thurston A. (2018), Boko Haram, the history of an african djihadist movement, Princeton, Princeton University Press, 333p. Entre 2010 et 2013, Boko Haram lance une vague d’attaques terroristes sans précédent. Prises en tenaille par des forces armées aveuglément répressives et inefficaces et Boko Haram, les populations qui n’ont pu fuir n’auront, en 2013, d’autre choix que de prendre parti : s’engager auprès de l’armée dans les Civilian Joint Task Forces ou soutenir Boko Haram. Entre 2013 et 2015, les errements de l’armée nigériane permettent à la secte d’étendre son contrôle territorial sur le nord-est du Nigeria et certains territoires voisins. La situation force trois États frontaliers, le Niger, le Tchad et le Cameroun, à s’impliquer, avec les États-Unis et la France, dans la lutte contre la secte djihadiste.

[viii] Toujours évoqué, la représentation de cet « arc de crise » est pourtant peu évidente. En fait, elle s’accorde avec les réalités de l’instant vécu : ce dernier partirait du Nigeria, remonterait jusqu’au 
Mali, traverserait le Niger pour mieux redescendre vers la Somalie et le Kenya et enfin remonter vers le Yémen et l’Afghanistan et le Pakistan…Voir aussi Amghar S. (Dir.)(2012), Les Islamistes au défi du pouvoir, Evolutions d’une idéologie, Paris, Michalon, 208 p.

[ix]L’accord d’Alger, signé le 20 juin à Bamako suite à des négociations conduites à Alger entre la République du Mali et la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA).

[x]Les forces armées françaises déployées au Sahel dans le cadre de l’opération Barkhane auraient tué 450 djihadistes depuis 2014. En 2017, 120 auraient été tués et 150 autres remis aux autorités maliennes. Par ailleurs, Le Parisien, citant « un militaire de haut rang », a annoncé que l’armée française avait confisqué 22 tonnes de matériel. « De la matière première pour fabriquer des mines, tous types de calibres, des roquettes… ». 22 soldats français ont péri depuis le lancement de cette opération. Cf. http://www.leparisien.fr/politique/450-djihadistes-ont-ete-tues-par-les-francais-au-sahel-22-02-2018-7574388.php.

[xi]En septembre 2018, des combattants se revendiquant d’une faction de Boko Haram affiliée à l’EI ont attaqué la base militaire de Gudumbali, dans la région de Guzamala (Etat de Borno, Nigéria). Ils auraient repris le contrôle de la ville. Boko Haram avait déjà pris Gudumbali en 2014. La ville avait été reprise deux ans plus tard lors d’une attaque lancée avec l’aide du Tchad, du Niger et du Cameroun. https://www.voaafrique.com/a/les-jihadistes-de-boko-haram-s-emparent-d-une-ville-du-nord-est-du-nigeria/4563220.html

[xii]Le président François Hollande fut accueilli en Libérateur lors de son passage au Mali. Arrivé le 2 février pour une visite-éclair, il a prononcé à Tombouctou un discours devant une foule en liesse. Libérée une semaine auparavant, la ville avait été occupée par les islamistes pendant dix mois.

[xiii]Durant l’époque coloniale, au Mali (Soudan français) les Français ont entretenus des rapports différents avec les populations sédentaires noires et les populations maures alors nomades. Une certaine fascination pour les Hommes bleu s’est installée dans l’imaginaire coloniale. Pourtant, le pouvoir a été remis aux populations noires après les Indépendances. Cf. Garnier E. (2018), L’empire des sables. La France au sahel 1860-1960, Paris, Perrin, 399 p.

[xiv]Sur les ressorts locaux de l’enracinement de la secte Boko Haram, cf. Mangin G. et Pérouse de Montclos M-A. (Dir.) (2018), « Crise et développement. La région du lac Tchad à l’épreuve de Boko Haram », Rapport, Agence française de développement, février. 294 p. : https://www.afd.fr/fr/lac-tchad-boko-haram

[xv]Cf. Pérouse de Montclos M-A. (2018), L’Afrique, nouvelle frontière du Djihad ?, Paris, Editions de La Découverte, 239 p.

[xvi]L’armée nigérienne a récemment tuée 14 agriculteurs dans le cadre d’opérations anti-terroristes. http://www.jeuneafrique.com/455035/politique/niger-larmee-tue-erreur-14-paysans-confondus-jihadistes/

[xvii]Cf. Krueger A. (2008), What make a Terrorist : Economics and the Roots of Terrorism, Princeton University Press, Princeton.

[xviii]Si le pouvoir d’attraction des djihadistes sahéliens semble faible en Europe, il n’est pas nul en Afrique de l’ouest : la présence de combattants sénégalais dans les rangs de Boko Haram a été attestée. Cf. https://www.dakaractu.com/Engagement-de-jeunes-Senegalais-dans-Boko-Haram-Est-ce-la-foi-qui-fait-loi_a155691.html

[xix]Boko Haram est aujourd’hui scindé en deux. Après que la secte ait officiellement prêtée allégeance à l’EI et soit devenue l’Etat islamique en Afrique de l’ouest le 7 mars 2015 (ce que l’Etat islamique ne reconnait que cinq jours après), le mouvement se scinde en deux, une fraction restant fidèle à Abubakar Shekau qui avait succédé à Muhamad Yusuf en 2010, l’autre restant officiellement dans le giron de l’EI, sans que des liens logistiques ou financiers entre ce mouvement et l’EI ne soient établis.

 

 

 

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